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Killeuse de Space
25 avril 2014

Go to the radio

couple matisse

J’attends… l’endroit m’est familier. On est au sous sol de la clinique de la colline, dans le service oncologie en plein chambardement. C’est pas trop tôt. Là où cohabitaient les 6 praticiens de la spécialité, seuls les trois radiothérapeuthes se partagent désormais cet espace, les oncologues bénéficiant quant à eux de l’étage supérieur qui donne sur la verdure, avec des fenêtres qui laissent entrer la lumière du dehors. Un des avantages de ce nouvel aménagement, et non des moindres, est qu’on voit moins de monde poireauter. Deux personnes quasi immobiles se sont placées aux extrémités de la rangée de fanteuil, tandis que pour ne pas électriser cette attente, je feuillète mon dossier PPS (Parcours Personnalisé de Soins) qu’on m’a demandé de ramener. Ce qui m’est apparu il y plus de six mois comme une littérature étrange voire incompréhensible m’inspire nettement plus aujourd’hui : mammographie, biopsie, compte rendu opératoire, décision de la RCP, les 3 protocoles de chimio, chacune des annotations me renvoie à une succession de ressentis dominés en premier par une détermination confiante qui ne m’a pas quittée. Tomorrow is an another day.

Je vais découvrir ce que me réserve la radiothérapeuthe. Elle est là devant moi, la main tendue et le sourire engageant, tellement grande, une dégaine de scandinave en parfaite santé. Je retrouve le bureau de ma copine des potions qu’elle a investi, un peu foutraque, vu que les étagères sont vides et que des cartons non ouverts sont planqués dans un coin. « Alors racontez-moi » lance t-elle alors que je ne suis pas encore assise. Pfff je ne m’y attendais à celle là, d’autant qu’elle a tout mon pédigrée sous les yeux. … Silence… Bon ok je raconte…  Et là flûte de zut j’ai la gorge qui fait mal et les yeux humides. Dans un souffle j’évoque la masse débusquée sans faire exprès, l’enchaînement des examens en accéléré, ma décision sans appel qu’on enlève toutoutout et plus encore, l’opération, mon toc du gros bras et d’ailleurs z’avez vu comme il est gonflé là, les chimios à répétition, que j’avais rien demandé moi et que pour quelqu’un de jamais malade, rien ne me prédestinait à çà, heu bon d’accord j’ai fumé longtemps comme un pompier, mais en tous cas un truc pareil ça arrive pas comme ça, sans prévenir, si vite et si énoooorme.. Elle m’arrête, toute douce mais d’un ton sans appel d’un « Enorme, vous l’avez dit.. » Ca stoppe illico cette colère de moi qui m’a choppée sans crier gare « Je me souviens très bien de votre dossier à la Réunion de Concertation Pluridisciplinaire. On a même soupçonné qu’à l’échographie elle s’était plantée dans les mesures. ». J’ai pas le temps de penser « développe un peu là » qu’elle poursuit. « Passer de 35 mm à plus de 100 en l’espace de 15 jours c’est du jamais vu. Et le nombre de ganglions infectés.. oui oui on n’a parlé que de vous ce jour là. Mais vous vous en sortez bien ». Il faut que je me fasse à ce nouveau style, que j’apprécie à priori, mais là, j’ai besoin d’un petit peu de temps. Silence…. « Heu et alors comment ça va se passer maintenant ? – 25 séances et on démarre l’hormono….  – Déjà ? – Oui je préfère le débuter en même temps comme ça on peut adapter ce traitement si besoin et l’ajuster. .. Bon alors on commence lundi ? ».  Oups là. On se calme. Deux minutes ! Moi j’ai prévu des vacances et ma copine des potions m’a dit que ça ne démarrerait pas avant juin. Elle extirpe un calendrier en carton. « Vous partez quand ? –Je pars du 8 au 30 mai » C’est elle qui en avale sa salive. Je comprends alors que c’est moins évident qu’un claquement de doigts genre « Coucou c’est moi que voilà ». Oui il y’a certains préparatifs, à savoir scanner de repérage et tatouage. Merci de m’expliquer Docteur. Elle joint le geste à la parole en esquissant en trois mouvements très artistiques, un carré pour mon buste ou plutôt tout le haut de mon corps, des hachures déterminant ce qui nécessite d’être traité, un grand cercle délimitant la zone des rayons. Et ce qui est sur le papier sera feutré à gros coups de marqueurs sur mon corps, qu’il faudra retracer si jamais ça s’enlève. Bon ben ça va être jojo de chez esthétique cette affaire. Elle consent à me laisser partir en vacances si je m’engage ferme à entretenir les premiers traçages dès le 6 mai, à savoir prioritairement zéro de chez zéro baignade. Adieu mes rêves de retour à la piscine et bains prolongés du Vernet. Bon je capte 5/5 que de mardi prochain au 15 juillet environ mon torse va être zébré tout le côté droit, de la moitié du bras au point culminant de la trachée, que le feutre n’est pas indélébile (entendre par là qu’il peut marquer les vêtements), que les rayons engendrent des brûlures de peau et de gorge. Comme d’hab’ c’est oui Madame la Docteur j’ai compris, oui je ferai tout bien comme il faut, et bien non je n’ai pas de questions.

Sur ce, c’est Au revoir de sa poignée de mains qui me comprime la mienne.

Quand je réintègre mon chez moi, je vais illico me planter torse nu devant le grand miroir. Ce que j’ai farouchement dédaigné depuis quelque temps n’est pas moche, juste un peu gondolé par le relief des côtes qu’une cicatrice rose pâle toute fine traverse en biais. Je me dis que des traits bariolés pourront égayer cela et qu’avec DOM d’Homme il est temps qu’on s’entraine à ce type de tags…. Des cœurs, des marguerites, etc…

D’ailleurs mon Homme DOM il m’a gentiment fait remarquer qu’il n’était même pas mentionné dans ma dernière chronique. Heu bon ben c’est vrai. J’ai pas fait exprès, juste peut-être exprimer qu’une page se tourne enfin et que c’est relâche. De quoi profiter avec lui de journées sans, sans les 48h non stop de canapé couette voire plus quand je ne peux pas faire autrement, sans la mine chafouine et éthérée qui veut dire tout va bien mais bon franchement y’a que les êtres chers qui y croient, sans l’attente du verdict de la prise de sang des fois que ça s’emballe, sans les œdèmes qui plombent les jambes et les bras jusqu’à te propulser à ce que tu croyais être réservé pour tes 100 ans, sans ce « merde demain dèjà on recommence »…

Mon bel homme d’amour à moi que j’ai, tu peux me faire confiance pour récupérer de quoi reprendre notre pas de deux comme avant. Et cette valse là, à laquelle tu m’as invitée au moment où je m’y attendais le moins, n’appartient qu’à toi et moi.

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Commentaires
M
Bravo Marie tu tiens le bout et tu lache pas ! Fais signe (si tu as envie ..) que je vienne te biser quand tu passes au Vernet ;-)) <br /> <br /> Je t'en envoie déjà quelques unes par avance !!!<br /> <br /> MP
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